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L’assouplissement du régime juridique du licenciement économique par l’ordonnance Macron n°2017-1387 du 23 septembre 2017.

Le licenciement pour motif économique est défini par le Code du travail comme étant « effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques (…), à des mutations technologiques, à une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, à la cessation d’activité de l’entreprise. » (Article L1233-3 du Code du travail)

Son régime procédural étant complexe, une simplification était vivement attendue.

Tout d’abord la réforme du Code du travail a limité le périmètre d’appréciation du motif économique du licenciement au territoire national, en définissant le terme de groupe et de secteur d’activité (I). Le périmètre d’application des critères de reclassement a également été redéfini, puisque celui-ci peut désormais être réduit par toute entreprise (III). L’employeur bénéficie également de l’assouplissement des règles attachées au licenciement économique avec l’allégement de son obligation de reclassement et la reprise d’entreprise facilitée (II et IV). Enfin, le regroupement des prérogatives des anciennes institutions représentatives du personnel au sein du Comité Sociale et Économique, créé par les ordonnances Macron, transforme également la procédure applicable au licenciement économique (V).

I- La restriction du périmètre d’appréciation du motif économique au territoire national

Le motif économique, autrement dit la justification du caractère économique du licenciement, s’évaluait pendant longtemps à tous les échelons de l’entreprise et même au niveau international. 
En effet la Cour de cassation appréciait le motif économique au niveau du secteur d’activé du groupe, toute filiale française ou étrangère confondue (Cour de cassation, Soc 12 juin 2001).

L’ordonnance Macron a mis fin à cette jurisprudence. Désormais le nouvel article L1233-3 du Code du travail dispose que les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient :

  • soit au niveau de l’entreprise, si celle-ci n’appartient pas à un groupe ;
  • soit au niveau du secteur d’activité commun à l’entreprise et aux sociétés du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national.

Pour permettre une meilleure interprétation de ces nouvelles règles de droit, l’ordonnance est venue préciser les notions de groupe et de secteur d’activité :

  • Le secteur d’activité est désormais « caractérisé, notamment, par la nature des produits, biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché » (Art L. 1233-3 Code du travail). Cette définition non exhaustive va plus loin que la qualification attribuée antérieurement par la jurisprudence.
  • Quant au groupe, son périmètre est réduit au niveau national. Ainsi, sa définition se rapproche de celle de comité de groupe [1]. Dorénavant, le groupe ne sera caractérisé que si le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire national, et si ce n’est pas le cas, on s’attachera seulement à l’ensemble des entreprises implantées en France.

II- La simplification de l’obligation de reclassement pour l’employeur

L’obligation de reclassement impose à l’employeur de rechercher un nouveau poste disponible dans l’entreprise pour son salarié, avant d’envisager toute rupture définitive de son contrat de travail pour motif économique.

« Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente », sauf si le salarié accepte expressément de recevoir des offres d’emploi d’une catégorie inférieure (Art L. 1233-4 Code du travail).
En outre tous les postes doivent se situer dans l’entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient. 
Enfin toute proposition d’emploi de reclassement doit être détaillée précisément par écrit auprès du salarié concerné.

L’ordonnance de 2017 a établi 3 précisions :

  • Tout d’abord l’employeur n’est plus obligé de rédiger des propositions de reclassement individuelles bien que ces offres doivent demeurer écrites et précises.

En effet, l’employeur bénéficie désormais d’une option lui permettant de se contenter de diffuser par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés.

Un décret publié le 22 décembre 2017 au journal officiel est venu préciser ce dispositif de reclassement interne sur le territoire national, et est effectif pour les procédures de licenciement engagées depuis le 23 décembre 2017.

Quelle que soit l’option choisie par l’employeur, en application de l’article D 1233-2-1 du Code du travail, les offres écrites doivent préciser :

  • L’intitulé du poste et son descriptif,
  • Le nom de l’employeur,
  • La nature du contrat de travail,
  • La localisation du poste,
  • Le niveau de rémunération,
  • La classification du poste.

Si la diffusion s’effectue sous forme de liste, celle-ci devra mentionner tous « les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise » mais aussi ceux disponibles dans « les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie ».

La liste précisera également les critères de départage entre salariés en cas de candidatures multiples sur un même poste, ainsi que le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écrite. Ce délai ne pourra être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l’entreprise fait l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire. Dans ces derniers cas, le délai ne pourra être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste.

L’absence de candidature écrite du salarié à l’issue du délai vaudra refus des offres.

  • L’employeur n’a donc plus à rechercher des propositions de poste de reclassement à l’international puisque le groupe est désormais un concept réduit au périmètre national.
  • Enfin le critère de permutabilité est consacré par la loi alors qu’il n’existait ultérieurement qu’à travers la jurisprudence (Cass.,Soc., 5 avril 1995, n°93-42.690). Selon ce critère, l’employeur doit proposer des postes au sein d’entreprises « dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel » (art L. 1233-4 du Code du travail). Autrement dit, les postes présentés au salarié devront lui permettre de s’adapter facilement, notamment grâce à des conditions de travail équivalentes à celles qu’il connaissait.

III- La réduction du périmètre d’application des critères d’ordre de licenciement admis pour toute entreprise

Pour procéder à un licenciement économique, l’employeur se doit d’établir un ordre de licenciement basé sur des critères légaux et conventionnels. Ces critères dits objectifs, détermineront quel individu sera concerné par le licenciement économique puisque le motif de la rupture n’est pas inhérent à la personne du salarié.

Les 4 critères légaux sont les suivants :

  • Charges de famille,
  • Ancienneté dans l’entreprise,
  • Situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile,
  • Qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Mais cette liste n’est pas exhaustive puisque l’employeur peut rajouter certains critères.

A l’origine, les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements devaient être appliqués au niveau de l’entreprise dans son ensemble.

Puis la loi Macron de 2015 a ouvert la possibilité de fixer, par accord collectif ou par document unilatéral, le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements, lors de la mise en place d’un plan de sécurisation professionnel (PSE).

Ce PSE est une obligation pour toute entreprise d’au moins 50 salariés qui procède au licenciement économique d’au moins 10 salariés sur une période de 30 jours.

Aujourd’hui l’ordonnance de 2017 permet plus largement à toutes les entreprises de pouvoir préciser le périmètre d’application des critères d’ordre de licenciement par accord collectif.

De ce fait, l’ordre des licenciements pourra être appliqué à un périmètre inférieur à l’entreprise, comme les établissements par exemple. 
En outre, même sans accord collectif, l’employeur pourra réduire le champ d’application des critères d’ordre du licenciement, avec comme limite le périmètre de la zone d’emploi [2]

IV- Les reprises d’entreprises facilitées en période de difficultés économiques

Selon l’article L1224-1 : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession ou vente (…), tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise ».

Or, une dérogation à ce principe de maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise avait été introduite, concernant les entreprises de plus de 1000 salariés, par la Loi El Khomri de 2016.

Désormais cette exception est étendue à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés tenues d’établir un PSE (Article L1233-61 du Code du travail), ce qui signifie qu’aucune règle légale n’empêche le cessionnaire d’une société, dont l’effectif est supérieur à 50 salariés, de procéder à des licenciements économiques préalablement à la vente de l’entreprise.

Le repreneur ne sera tenu de conserver que les contrats de travail n’ayant pas encore été rompus le jour du transfert.

Cette disposition législative est donc moins protectrice pour les postes des salariés menacés par la conjoncture économique défavorable. En revanche, elle permet de soutenir la reprise d’entreprise.

V- Le rôle éminent du Comité Social et Économique dans la mise en place d’une procédure de licenciement économique

Le comité sociale et économique (CSE) est la nouvelle instance représentative du personnel (IRP) que toute entreprise de plus de 11 salariés doit mettre en place. Son rôle est de rassembler les prérogatives de tous les anciens représentants du personnel au sein d’une institution unique pour plus de performance et de visibilité.

Comme préalablement avec le comité d’entreprise, l’employeur doit consulter le CSE avant tout licenciement économique selon les mêmes modalités.

Toutefois quelques précisions et changements apparaissent au sein de la procédure :

  • Tout d’abord le délai accordé au CSE pour rendre un avis sur le projet de licenciement économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours est fixé à un mois à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté.

En l’absence d’avis dans ce délai, le comité social et économique est réputé avoir été consulté. (Art L1233-8 C. Travail)

  • Par ailleurs, dans les entreprises de moins de 50 salariés dans lesquelles aucun accord collectif fixe les cas de recours à expertise, lorsque le projet de licenciement concerne au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours, il est donné la possibilité au CSE de recourir à un expert.

Cette expertise ne se réduit plus désormais à la sollicitation d’un expert-comptable. (Art. L. 1233-34), et les frais engendrés sont intégralement à la charge de l’employeur en cas de licenciement collectif pour motif économique.
Toutes les modalités de mise en œuvre de l’expertise seront fixées ultérieurement par décret. (Art L1233-34 C. travail)

  • Enfin il est précisé régulièrement dans les nouvelles dispositions relatives aux compétences du CSE que celui-ci doit être informé sur les conséquences des réorganisations en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail, dès lors qu’un licenciement économique collectif est engagé. (Art L1233-10, Art L1233-24-2 C. Travail).

Les opposants aux ordonnances Macron ont critiqué certaines de ces modifications du régime du licenciement économique en ce qu’elles permettraient aux entreprises de licencier plus facilement leurs salariés. Entre autres, la réduction au territoire français du périmètre d’appréciation du motif économique offrirait, selon certains, la possibilité pour les entreprises ayant des filiales à l’étranger de créer artificiellement des difficultés économiques dans l’entité française afin de se prévaloir des conditions ouvrant droit au licenciement économique. Toutefois il ne faut pas omettre de préciser que cette limite géographique pourrait être mise de côté par le juge, en cas de fraude démontrée.

Notes :

[1Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce
[2La zone d’emploi correspond depuis un décret du 10 décembre 2015 à celle référencée dans l’atlas des zones d’emploi établi par l’INSEE, autrement dit à un espace géographique à l’intérieur duquel la plupart des actifs résident et travaillent et dans lequel les établissements peuvent trouver l’essentiel de la main d’œuvre nécessaire pour occuper les emplois offerts.

Ecrit en collaboration avec Elisa Le Blevenec. Article publié initialement sur www.village-justice.com

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