Par une jurisprudence récente du 14 décembre 2022 (n°21-18.139), la Cour de cassation revient sur…
Comment mettre en place le CSE au sein de l’entreprise ?
L’ordonnance du 22 septembre 2017 n°2017-1386, habilite le gouvernement à prendre par ordonnance, toute mesure afin de mettre en place une nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise et de favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales.
Par ce biais a été organisée la fusion des anciennes instances représentatives du personnel (délégué du personnel, comité d’entreprise, comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, délégation unique du personnel) en une seule appelée « Comité Social et Economique » (CSE). Cette dernière doit donc impérativement être mise en place dès le 1er janvier 2018 et au plus tard le 31 décembre 2019, chaque fois que les seuils d’effectifs légaux seront franchis dans une entreprise (11 salariés sur douze mois consécutifs) ou que les mandats en cours arriveront à leur terme.
Pour encourager un passage effectif au CSE dans un délai raisonnable et pour éviter une cohabitation trop importante des anciennes instances et du CSE, le législateur a organisé une période transitoire pour la mise en place de cette nouvelle instance unique. Ainsi, de nombreuses modalités existent pour permettre aux entreprises d’organiser et de préparer au mieux l’installation de la nouvelle institution représentative du personnel (I).
Lorsque le moment sera venu, l’entreprise devra alors organiser la négociation d’un protocole d’accord préélectoral (II).
I) Les diverses hypothèses de mise en place du CSE au cours de la période transitoire.
Les dispositions concernant le CSE s’appliquent depuis le 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur des décrets pris pour l’application de l’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017. Cependant, le dispositif transitoire aménagé a permis aux entreprises d’au moins 11 salariés de différer dans le temps leur passage au CSE.
Ainsi, deux principaux cas peuvent être explicités. En effet, il est possible d’établir une distinction entre les entreprises n’ayant pas mis en place leurs élections avant le 23 septembre 2017 (A) et les entreprises dotées des anciennes institutions représentatives du personnel à la même date (B).
A) Les entreprises n’ayant pas procédé à leurs élections au 23 septembre 2017.
Au sein de ces entreprises, la mise en place du CSE dépend de l’existence ou non d’un protocole d’accord préélectoral valide conclu avant le 23 septembre 2017.
- En l’absence d’un protocole préélectoral, les entreprises dépourvues d’instances représentatives du personnel, devront obligatoirement procéder aux élections d’un CSE à compter du 1er janvier 2018.
- En présence d’un protocole préélectoral pour la constitution ou le renouvellement des instances représentatives du personnel, celui-ci sera appliqué et le CSE ne se sera pas mis en place.
Cependant, dans tous les cas, ces mêmes entreprises devront mettre en place un CSE avant le 1er janvier 2020. A cette même date cesseront donc les mandats des instances récemment élues en application de ce protocole préélectoral.
Dans un esprit de cohérence et pour encourager une mise en place autonome et effective du CSE, le législateur a tout de même prévu la possibilité d’une mise en place anticipée du CSE au sein de ces entreprises, l’employeur disposant de la faculté d’anticiper la date des élections. Ces dernières peuvent donc intervenir à tout moment, la seule limite étant le terme du 31 décembre 2019.
B) Les entreprises dotées des anciennes instances représentatives du personnel au 23 septembre 2017.
Plusieurs hypothèses sont encore ici à distinguer, le législateur ayant découpé la période transitoire en plusieurs intervalles dans lesquelles la mise en place du CSE fait l’objet de modalités distinctes.
- Pour les entreprises dans lesquelles les mandats en cours arrivent à échéance entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2018 : il est prévu la possibilité de réduire ou de proroger pour une durée maximale d’une année supplémentaire, lesdits mandats, par le biais d’un accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur après consultation des instances en place. A défaut, les élections en vue de la mise en place du CSE doivent être organisées à l’échéance des mandats en cours.
- Pour les entreprises dans lesquelles les mandats en cours arrivent à échéance entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019 : il est seulement prévu la possibilité de réduire d’une année maximum la durée des présents mandats selon les mêmes modalités précédemment citées. A défaut, les élections devront être organisées pour la mise en place du CSE au terme des mandats en cours.
- Pour les entreprises dans lesquelles les mandats en cours arrivent à échéance au-delà du 1er janvier 2020 : l’élection d’un CSE doit être organisée pour que soit envisagée sa mise en place à cette même date au cours de laquelle les mandats des anciens délégués du personnel, du comité d’entreprise et du CHSCT qui existaient jusqu’alors seront inopérants.
- Dans l’hypothèse où le terme des mandats en cours n’est pas identique pour l’ensemble de l’entreprise et que ce terme des différents mandats intervient de manière échelonnée sur plusieurs années, le législateur a envisagé la possibilité de proroger ou de réduire, sans limite de durée, les mandats en cours. Ainsi, une seule date unique sera retenue par la voie d’un accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur après consultation des anciennes institutions élues.
Au regard de la pluralité des hypothèses envisagées par le législateur, il convient d’être prudent et d’anticiper la mise en place d’élection des membres du CSE, cette dernière devant être organisée par le biais d’un protocole d’accord préélectoral.
II – La nécessité d’un protocole d’accord préélectoral pour l’organisation des élections des membres du CSE.
Les conditions selon lesquelles l’élection des membres de la délégation du personnel au CSE doit se dérouler, sont inscrites au sein du protocole d’accord préélectoral. Celui-ci est en principe rédigé par le biais d’une négociation collective entre l’employeur et les organisations syndicales intéressées à la négociation. Cependant, le législateur a prévu d’autres modalités de mise en place d’un tel protocole (A). Celui-ci doit en outre contenir une variété de clauses relatives au scrutin (B).
A) Les modalités d’adoption du protocole d’accord préélectoral.
1) Information et invitation à la négociation.
Lorsque l’employeur a l’obligation d’organiser les élections, celui-ci doit informer les salariés de l’organisation du scrutin par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information.
Il doit ensuite inviter les organisations syndicales répondant aux critères de l’article L 2314-5 alinéa 1 du Code du travail [1] à négocier le protocole. Cette information doit être réalisée par tout moyen sous peine d’irrégularité pouvant affecter la validité des élections.
Concernant cette invitation dans les entreprises de moins de 20 salariés, le législateur a organisé une procédure particulière. En effet, une fois l’information donnée aux salariés, ces derniers ont un délai de 30 jours pour mentionner leur souhait de se présenter aux élections. C’est alors dans le seul cas où l’un des salariés s’est manifesté, que l’employeur aura l’obligation d’inviter les syndicats répondant aux critères précédemment cités, afin de négocier le protocole d’accord préélectoral. En l’absence de candidature dans ce délai de 30 jours, l’employeur fixera unilatéralement les conditions d’organisation de l’élection.
Les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ou l’établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement ainsi que celles affiliées à une organisation syndicale représentative au niveau national interprofessionnel seront, elles, invitées à la négociation du protocole d’accord préélectoral par courrier. L’invitation devra être reçue par le syndicat au moins 15 jours avant la date de la première réunion de négociation du protocole et, en cas de renouvellement de l’instance, deux mois avant l’expiration des mandats en cours (article L 2314-5 alinéa 3 du Code du travail).
2) Conclusion du protocole d’accord préélectoral.
A la suite de ces premières formalités, le protocole d’accord négocié, devra être conclu en principe, par l’échange des consentements entre les parties. Plusieurs règles de majorité sont légalement prévues :
- La règle de double majorité s’applique sauf disposition législative contraire. Ce sera notamment le cas pour la répartition du personnel et des sièges entre les collèges, l’organisation du vote électronique par exemple. Dans ces cas, ces éléments devront, pour être approuvés, recueillir la signature de la majorité des organisations ayant participé à la négociation dans lesquelles doivent se trouver les organisations représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections.
- La règle de l’unanimité s’applique concernant la modification du nombre et de la composition des collèges électoraux et la mise en place du scrutin en dehors du temps de travail. Pour ces éléments, il est ainsi nécessaire d’obtenir la signature de l’ensemble des syndicats représentatifs dans l’entreprise.
B) Le contenu du protocole d’accord préélectoral.
Le contenu du protocole d’accord préélectoral est défini par l’employeur et les syndicats concernés, à condition de respecter les principes du droit électoral et les dispositions du Code du travail.
Le protocole devra nécessairement organiser la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux. En l’absence d’accord sur ce point, si au moins une organisation syndicale a répondu à l’invitation à négocier, c’est à la DIRECCTE qu’il reviendra d’établir cette répartition. Dans le cas où aucune organisation représentative dans l’entreprise n’a pris part à la négociation, l’employeur décidera de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.
Les négociateurs devront désormais établir des dispositions afin de faciliter, s’il y a lieu, la représentation des salariés travaillant en équipes successives ou dans des conditions qui les isolent des autres salariés.
Outre ces dispositions obligatoires, l’ordonnance a également prévu deux nouveaux sujets facultatifs de négociation que sont la modification du nombre de siège et du volume des heures individuelles de délégation dans la limite du minimum légalement fixé à l’article R 2314-1 du Code du travail) et la possibilité de déroger à la limitation de trois mandats successifs pour les représentants élus dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés.
Note :
[1] Les organisations syndicales légalement constituées depuis au moins deux ans et qui répondent aux critères du respect des valeurs républicaines et d’indépendance et donc la compétence professionnelle et géographique couvre l’entreprise.
Ecrit en collaboration avec Lisa Mahé. Article publié initialement sur www.village-justice.com